Les cris des victimes résonnent encore dans les rues de Bunia, territoire de Djugu, territoire d'Irumu... et les larmes des survivants imprègnent le sol de l'Ituri. C'est dans ce contexte de douleur et de désespoir que Obed Byaruhanga, observateur de la situation sécuritaire et lanceur d'alerte, tire la sonnette d'alarme et dénonce avec une indignation palpable la décision des autorités d'intégrer des miliciens du groupe CODECO dans le programme de Désarmement, Démobilisation et Réinsertion (RAD).
Pour ce défenseur inébranlable de la cause des victimes, cette initiative n'est pas simplement une erreur stratégique ; c'est une insulte profonde et un déni de justice envers des milliers de personnes qui continuent de vivre dans la peur et la précarité, loin de leurs terres.
« Faire entrer les miliciens CODECO dans le programme RAD est une insulte aux communautés victimes. La justice n'a jamais été rendue, les victimes sont encore dans des camps de déplacés et un bon nombre sont réfugiés dans les pays limitrophes», affirme Obed Byaruhanga, exprimant un constat amer partagé par l'ensemble de la société civile locale.
Les territoires de Djugu et Irumu, en particulier, sont devenus les théâtres de crimes atroces perpétrés par les milices CODECO. Dans ces zones, les villages ont été incendiés, les populations massacrées, et des familles entières ont été contraintes de fuir vers les camps de déplacés et à l'étranger. Ces territoires, autrefois prospères, portent aujourd'hui les stigmates d'une violence aveugle.
Selon les données du HCR qu'il cite, environ 70 camps sont identifiés dans la province, abritant des personnes qui ont tout perdu. Ces camps sont des témoignages vivants de la souffrance humaine, où des familles entières vivent dans des conditions inhumaines, privées de leurs droits les plus fondamentaux.
Le contraste est, selon lui, saisissant et intolérable.
« D'un côté, les bourreaux présumés sont invités à déposer les armes et à réintégrer la vie civile, souvent avec des perspectives d'insertion. De l'autre côté, leurs victimes survivent dans des conditions inhumaines. Aujourd'hui, les victimes vont voir leurs bourreaux travailler main dans la main avec le gouvernement alors qu'elles continuent à être massacrées et forcées à vivre hors de chez elles à cause des CODECO », déplore-t-il.
Il souligne que cette politique de réinsertion, bien que présentée comme un pas vers la paix, est perçue sur le terrain comme une récompense accordée à la violence. Il rappelle que cette décision intervient dans un contexte où les attaques meurtrières attribuées à la milice CODECO se poursuivent, alimentant un cycle infernal de violence et de déplacement.
Une colère qui monte, un gouvernement mis en cause
Face à cette situation, le lanceur d'alerte lance un avertissement sévère à l'État congolais.
« L'État congolais doit bien réfléchir avec cette décision. S'il persiste, nous allons conclure, preuves à l'appui, que tous nos malheurs en Ituri sont organisés par le gouvernement congolais depuis 2017 », -t-il renchérit.
Cette accusation reflète une défiance profonde qui s'est enracinée parmi les populations. Pour l'observateur, l'intégration des miliciens sans justice préalable et sans conditions sécurisées pour le retour des déplacés est la preuve ultime d'une complicité ou, à tout le moins, d'un mépris total de la part des autorités de Kinshasa.
Makati Élie/ Bunia
