La diplomatie vacille, les mots tranchent comme des lames. À l’Est, les armes n’ont jamais cessé de parler. À l’Ouest, ce sont désormais les chefs d’État qui enflamment les frontières. La récente déclaration de Paul Kagame, président du Rwanda, sonne comme une réponse glaçante à une vieille menace de son homologue congolais Félix Tshisekedi : frapper Kigali depuis le sol congolais. En 2024, la guerre est peut-être encore évitable. En 2025, elle est déjà dans les discours.

Dans un langage martial assumé, Paul Kagame semble jeter les derniers gants diplomatiques. Répondant à la menace d’usage de drones contre Kigali, il lâche froidement:

« Nous ferons en sorte de vous trouver là où vous vous trouverez. Nous avons cette capacité que vous ignorez. Nous pouvons marcher 2000 kilomètres en combattant, et quand il le faut. »

Une déclaration inédite, violente, et délibérément dissuasive. Kagame n’esquive plus, il défie. Il confirme aussi ce que beaucoup redoutaient: une confrontation ouverte est désormais envisagée… dans les deux capitales.

Tshisekedi en 2023: “De chez nous, on peut atteindre Kigali”

Ce n’est pas un hasard si Kagame ravive la braise. En décembre 2023, en pleine campagne présidentielle, Félix Tshisekedi avait haussé le ton comme jamais face à Kigali. Dans une interview musclée sur Top Congo FM, il menaçait:

« N'ayez peur de rien. Nous avons les moyens de mettre cet individu hors d'état de nuire (...). De chez nous, on peut atteindre Kigali. »

Et il allait plus loin encore:

« En cas de la moindre escarmouche (...) je vais demander l'autorisation de déclarer la guerre au Rwanda. Ce n'est pas une blague! »

Avant de porter l’attaque au plan personnel:

« Il [Kagame] doit dégager. Il embête la région (...). Tant que le régime de Kagame sera là, pour nous, le Rwanda n'existe pas. »

Des propos belliqueux assumés, qui faisaient écho à l’exaspération croissante de Kinshasa face aux soutiens supposés du Rwanda aux rebelles du M23.

“Ils sont venus pour nous atteindre, nous les avons laissés rentrer chez eux”

Kagame, dans un discours au ton martial, accuse Kinshasa d’avoir reçu des “mercenaires venus d’Europe”, d’avoir armé ses troupes “contre un gouvernement qui tue son propre peuple” et de camoufler la vraie cible : Kigali.

« Ce qui s’est passé n’était qu’une fraction de ce que nous pouvions faire (...) mais ils auraient pu périr s’ils avaient résisté. »

Et de prévenir avec une gravité assumée: « Si quelqu’un tente le coup, vous le verrez. Je ne me vante pas. Je dis la vérité. »

Derrière la rhétorique, la réalité d’une guerre déjà en cours?

Depuis l’Est congolais, où le M23 contrôle encore de larges portions de territoire, jusqu’au Palais de la Nation à Kinshasa, les mots ont cessé d’être diplomatiques. Ils sont devenus tactiques. Dans cette guerre des narratifs, chaque phrase sert désormais de test de limites. Mais où s’arrête la mise en scène électorale et où commence la stratégie de guerre ?

Une communauté internationale tétanisée par le silence

Ni l’Union africaine ni les partenaires occidentaux n’ont publiquement commenté cette spirale verbale. Or, pendant que les présidents parlent haut, à Rutshuru et dans les collines de Masisi, les civils continuent de fuir.

Entre menaces ciblées, récits militaires à peine voilés et démonstrations de force dans les discours, la RDC et le Rwanda courent vers un point de rupture.