L’Entreprise Générale du Cobalt (EGC) a officiellement lancé sa première production de cobalt artisanal formalisé et traçable à Kolwezi le jeudi 13 novembre, dans la province du Lualaba. Ce premier lot de 1.000 tonnes, extrait selon les standards internationaux, marque une étape historique dans la structuration du secteur minier congolais. Mais si l’événement a été salué par les autorités, il suscite aussi des interrogations parmi les acteurs de terrain.
Parmi les invités, Agnès Kabwiz, présidente de la coopérative Comema et partenaire de l’EGC, a exprimé une réaction mêlée d’émotion et de prudence.
« Moi, vu la cérémonie, on passe de l’irréel vers le réel. C’est la matérialisation de ce que nous avons toujours plaidé: voir l’EGC devenir opérationnelle sur le terrain. »
Cependant, derrière cette avancée, des zones d’ombre subsistent. Agnès Kabwiz s’interroge sur les contours du partenariat entre l’EGC et CCR, une unité chinoise impliquée dans la chaîne de transformation:
« Quel est le contrat qu’ils ont signé? Comment l’EGC va-t-elle se positionner dans la chaîne? Nous, coopératives, avons traité directement ou indirectement avec EGC. Aujourd’hui, on enlève les Chinois, on met EGC, mais les démarches restent floues. »
Elle appelle à une souveraineté réelle, portée par des Congolais, et non à une substitution de façade: « Nous voulons que les coopératives soient contrôlées par EGC, par des Congolais. Mais nous nous retrouvons déversés dans CCR, qui reste une entité chinoise. »
Au-delà des enjeux contractuels, la présidente de Comema alerte sur les conséquences sociales d’une transition mal encadrée: « On nous demande de migrer vers des sociétés commerciales, de laisser la notion de communauté, d’autochtones, pour devenir des hommes économiques. Mais quel intérêt pour une coopérative de porter 24.000 personnes si demain, seules les machines comptent? »
Elle redoute une paupérisation accélérée des communautés artisanales et la disparition du secteur tel qu’il existe aujourd’hui:
« Si les autorités ne prêtent pas attention, nous assisterons à la disparition du secteur artisanal. La jeunesse vit avec les mines. Si nous devons entrer dans les normes, il faut réfléchir. »
Enfin, elle interpelle directement le chef de l’État, Félix Tshisekedi, à qui elle reconnaît une volonté politique forte, mais demande des actes concrets: « Le chef de l’État nous avait promis la libération de 50 sites. Deux ans plus tard, nous tournons en rond. Besoin de formalisation exige assainissement de la chaîne. Donnez-nous maintenant, pas demain. »
Malgré ces inquiétudes, l’inauguration de la première production de cobalt artisanal traçable par l’EGC reste un jalon majeur. En présence des autorités provinciales, des partenaires et des acteurs du secteur, la gouverneure du Lualaba, Marie-Thérèse Fifi Masuka, a salué « l’accomplissement d’une mission audacieuse: formaliser, encadrer et professionnaliser l’artisanat minier ».
L’événement marque le début d’une nouvelle dynamique, mais son succès dépendra de la capacité des institutions à intégrer les préoccupations des communautés artisanales et à garantir une gouvernance minière inclusive et équitable.
Roger AMANI
